Matte, A.M

L’odeur croustillante des feuilles dorées, ambrées, qui virevoltent en un dernier cri de vie avant de sombrer dans l’amas où je plonge, emplit la fraîcheur qui dément la présence des sans-abris partis à l’aube. Un rayon se faufile entre les branches pour caresser la joue de bronze d’Al Purdy qui fixe son regard sans vue au-delà de Queen’s Park.

Le poète orbite sans doute ses planètes externes, alors que moi je peine à griffonner quelques mots dans mon calepin. Dans son ombre sculpturale, mon encre s’évapore. J’apprends que Purdy était grand amateur de bière, ce qui m’inspire davantage. La bière, ça coule plus facilement que l’encre.    Texte : Matte, A.M

Martine se rend à la Fromagerie de Sudbury pour choisir le fromage parfait pour un repas-partage le soir-même. En pénétrant dans l’établissement, elle ne manque pas de remarquer l’atmosphère chaleureuse et accueillante, teintée d’une authenticité rustique, où règnent les arômes subtils et variés de fromages affinés et de pains frais. Les étals soigneusement garnis de fromages aux croûtes colorées et aux textures variées invitent à la découverte et à la dégustation. Martine se dirige vers l’étal et goûte avant d’acheter un riche Camembert. Elle repart avec le précieux fromage, laissant derrière elle des conversations animées et les éclats de rire se mêlant à la musique ambiante de la boutique. Martine décide que sa prochaine sortie entre amies sera ici.    Texte : Matte, A.M

Ayant évité son parcours habituel pendant plusieurs mois, Madame Dupont, septuagénaire aux cheveux teints roses, se sent finalement prête à visiter les serres du Musée de l’agriculture d’Ottawa pour la première fois depuis la perte de son Estelle adorée. Elle avance doucement, le cœur alourdi de tristesse, parmi les allées verdoyantes et les plantes exotiques. Les parfums floraux et les senteurs fraîches des feuillages lui rappellent des souvenirs heureux de promenades quotidiennes avec sa fidèle compagne. Elle s’arrête pour admirer des cactus, des larmes silencieuses coulant sur ses joues, se rappelant comment Estelle adorait leurs promenades. Cette visite est pour Madame Dupont un mélange poignant de beauté et de nostalgie, et un bel hommage à son toutou perdu.    Texte : Matte, A.M

Son calepin à la main, Jonah sait exactement où aller. Il monte l’escalier de la cour Walker, tirant sa mère derrière lui. En haut des marches et au bout du couloir, il lâche la main de Maman et s’installe par-terre devant son oeuvre préférée du Musée des beaux-arts de l’Ontario.

Man Changing Into Thunderbird de Norval Morrisseau, artiste ojibwe, est un chef-d’œuvre en six panneaux qui regorge de couleurs et de motifs et qui laisse les spectateurs sans voix avec son caractère intime et emblématique, mais à huit ans, Jonah ne sait rien de tout ça. Il ne voit que les couleurs vibrantes et le mélange d’homme et d’animal qu’il tente de reproduire dans son calepin à grands traits d’orange, de rouge, de bleu. Il ne sera jamais un grand artiste, mais en ce moment, il communie avec l’un d’entre eux.    Texte : Matte, A.M

Je suis seule, mais pas isolée. Dans l’obscurité, j’entends, sens, ressens l’humanité, fébrile, à mes côtés. Les respirations chaudes, les froufrous des manteaux, les carillons des téléphones mobiles qu’on met sous silence.

Puis, un nouveau son. Un son qui ne vient pas de nous, qui annonce une naissance éphémère. Les lumières, activées, nous plongent dans un autre univers. Sur la scène de la Place des Arts, ce sont nos paroles, notre langue, nos histoires. Une réinvention du monde : une pièce de théâtre. Pour un instant, j’oublie mon siège gris rembourré, les panneaux de pin blanc, l’immeuble et Sudbury tout entière; je plonge dans le drame devant moi.

Je n’émerge qu’au moment de l’ovation.    Texte : Matte, A.M

L’Astrolabe* est l’endroit idéal pour un concert d’été, avec ses bancs en bois installés en permanence devant une scène surélevée. Au sommet de la colline, une statue en bronze de Samuel de Champlain contemple la rivière Outaouais et je fais comme lui. De ce haut sommet situé derrière le Musée des beaux-arts du Canada, on peut voir la ville d’Ottawa du côté ontarien de la rivière et la ville de Gatineau sur la rive québécoise.

En saison douce, l’eau s’écoule lentement en contrebas, transportant des bateaux; la verdure de la colline du Parlement se dressant majestueusement sur la rive sud. En toute saison, la vue est à couper le souffle, mais c’est en été qu’elle est imprenable.

*Je reconnais que la Pointe Kiweki est en cours de reconstruction. Ainsi, cette description ne serait plus d’actualité.    Texte : Matte, A.M